Colloque « Jean Jaurès, la paix et l’Europe », à Toulouse, 2 septembre 2023

Colloque « Jean Jaurès, la paix et l’Europe », à Toulouse, 2 septembre 2023

La cinquième édition de ce colloque initié et soutenu par le Parti Communiste Français, l’Humanité, la Société d’Études jaurésiennes et l’association des Amis de Jean Jaurès à Toulouse, a réuni les intervenants Rémy Cazals et Rémy Pech, tous deux historiens, professeurs émérites de l’université Toulouse-Jean Jaurès, tous deux passionnés d’histoire sociale, ouvrière, rurale ou industrielle, tous deux fins connaisseurs de la pensée de Jaurès, auteurs de nombreux ouvrages et articles le concernant, et conférenciers réguliers pour le compte de l’AAJJT.
A leurs côtés, Christian Picquet, dirigeant national du PCF où il exerce la responsabilité du mouvement des idées, historien spécialiste du concept de République, auteur d’études historiques, et ancien journaliste.

Deux tables rondes étaient prévues : la première, introduite par Rémy Cazals, a traité de « Jaurès et la paix », la deuxième, par Rémy Pech a présenté « Jaurès et l’Europe », dans un esprit de complémentarité.
Rémy Cazals souligne d’entrée de jeu le signe distinctif de Jaurès, celui d’être « l’apôtre de la paix ». Car dès 1887, il s’engage en sa faveur dans les colonnes du Journal toulousain, étant hostile au chauvinisme revanchard. Le massacre des Arméniens en 1895, celui ses Juifs en Europe centrale, l’amènent à poursuivre ce combat.
Cette époque est celle de l’avènement du darwinisme social qui pousse à la guerre (déclarée au Maroc, dans les Balkans, avec la Turquie et une Russie belligérante cherchant à s’allier avec la France).
Il est clair que dès 1906 un climat de guerre s’installe et se généralise. Dans ce contexte, il convient d’analyser ce que le terme de « pacifiste » peut laisser planer comme ambigüité. Jaurès n’est pas pacifiste à n’importe quel prix, Jaurès comprend qu’il faut construire
la paix. En faveur de cette construction, il mène un combat politique argumenté résolu, convaincu qu’elle doit être défendue par tout moyen. Le patriotisme et la paix sont pour lui indissolublement liés.

Christian Picquet renchérit sur ce point. Il existe une « méthode Jaurès » qui a de profonds échos dans la société d’aujourd’hui, soumise au vif tranchant de l’actualité internationale. Quand Jaurès parle de la paix, il évoque une paix armée défensive nécessaire pour aboutir à la paix durable. Il prône l’abolition de toutes formes de
guerre, militaire ou économique, car nuisibles aux peuples et contraires au progrès social. Quand il écrit « votre société violente et chaotique (i-e le capitalisme), porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage », il se montre pleinement conscient des contraintes politiques et financières opposées à cette construction.
Le PCF vient de publier une série de propositions visant à un plan pour la paix. Nous pensons comme Jaurès que la paix et le progrès social en Europe sont intimement liés. Nos propositions sont essentiellement faites pour réfléchir et pour agir au plus vite.

 
 

Le 2 septembre, l’hommage a débuté par le dépôt d’une gerbe sur la stèle Jean Jaurès, au square Charles de Gaulle à Toulouse.

A cette occasion, Luc Ripoll, secrétaire fédéral y a fait une allocution :

« Jean Jaurès est le chantre de la paix, de la Nation, de la République, de la démocratie parlementaire, du progrès social et de l’intervention de la classe ouvrière, de la défense nationale, de l’école publique, de la presse libre et indépendante avec la création du journal l’Humanité.
En ces temps de guerre, de souveraineté nationale bafouée, pervertie par le nationalisme et le racisme, de parlement privé de débattre de la réforme Macron des retraites, de destruction continue du programme du Conseil National de la Résistance, d’une armée française déployée sur tous les continents, de destruction et privatisation de notre système d’éducation et de recherche, de la concentration de la presse et des médias aux mains d’une poignée de milliardaires, jamais l’héritage de Jean Jaurès n’aura été autant d’actualité. Jamais le capitalisme ne s’est montré aussi incapable de répondre aux urgences sociales et climatiques. Jamais l’humanité n’aura autant aspiré à la coopération des peuples, à la sécurité collective, au développement, à l’éducation, à la santé et à la paix si chers à Jaurès.
De l’affrontement capital / travail dépend l’avenir de l’humanité. Comme l’écrivait Rosa Luxembourg, au destin aussi tragique que celui de Jean Jaurès, ce sera la barbarie ou le socialisme.
Le Parti Communiste Français veut faire vivre la pensée de Jean Jaurès, rendre hommage au grand homme et nourrir le débat politique de son héritage. »

Luc Ripoll, secrétaire fédéral du Parti communiste de Haute-Garonne, souligne le fait qu’aujourd’hui, dans le contexte de guerre meurtrière qui afflige l’Ukraine, humainement inacceptable dans l’Europe d’aujourd’hui, des décisions sont prises au plus haut
sommet des instances européennes en lien avec l’OTAN au nom de la paix dans une « logique de défense » privilégiant en fait les seules puissances économiques, toujours néfastes à l’intérêt des peuples.

Plusieurs interventions de l’assistance s’en suivent, pointant à la fois l’absence de démocratie sociale, l’abstention électorale qui traduit un désintérêt pour la vie politique et un manque d’investissement à son égard ; le rapport contraignant grandissant avec la finance au plan international ; la perte du sens des valeurs jaurésiennes dans un contexte de politique de gestion à courte vue.

Ces questions et remarques entraînent un commentaire de Christian Picquet : ce légitime sentiment de dépossession et d’impuissance des peuples appelle à un nouvel ordre mondial qui rende la parole et le pouvoir à tous, en écho aux convictions de Jaurès précédemment évoquées.
Elles conduisent aussi à examiner plus précisément le sujet de Jaurès et l’Europe. Rémy Pech commence en soulignant le fait qu’il existe une carence du discours concernant Jean Jaurès et l’intérêt qu’il porta à ce sujet. On cite couramment les noms d’Aristide Briand, Jean Monnet, Schuman, De Gasperi… Jamais celui de Jaurès ! Serait-ce parce que l’action de l’Europe politique actuelle se distingue par l’absence d’avancées sociales que le propos de Jaurès est à ce point passé sous silence ?
Or Jaurès est le premier père de cette Europe à venir. Visionnaire, il manifeste son désir de coordonner les alliances, partisan convaincu d’une entente internationale à son sens nécessaire pour dépasser les chauvinismes bellicistes tout en respectant l’intérêt des nations. C’est pourquoi il appelle à dépasser de seules alliances bi- ou tripartites, trop restrictives à son sens. Il soutient la préfiguration de la SDN et à cette occasion s’allie avec les radicaux. Lors du Congrès international socialiste de Stuttgart en 1907, (centré sur un militarisme omniprésent), Jaurès est l’acteur d’un compromis entre participants : la résolution finale, appuyée par Lénine et Rosa Luxembourg vise à s’opposer au déclenchement de la guerre et, au cas où elle éclaterait à œuvrer à sa fin rapide.
Désormais l’Internationale s’attachera à défendre la paix en Europe.

Christian Picquet reprenant le sens de l’intervention de Rémy Pech et celui de différentes interventions de la salle, réaffirme que l’Europe de Jean Monnet et de Robert Schuman, Europe strictement financière, ne saurait être celle de la paix des peuples et de son
épanouissement social.

En conclusion, il est rappelé deux dates importantes :

  • Journée de la Paix le 21 septembre
  • Journée européenne intersyndicale le 13 octobre

Caroline Durand

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